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03/07/2015

Procès Cottrez : malaise dans la civilisation

cottrez

Réflexion sur les jurys d'assises, le droit et la psy :


  

Dieu sait que nous ne sommes pas, ici, nostalgiques d'une justice implacable. Mais constatons que l'issue du procès de Mme Cottrez en 2015 est dans la logique du verdict d'acquittement du Dr Bonnemaison en 2014 : les jurés réagissent de plus en plus hors du droit, et les procès d'assises se diluent dans la psychothérapie. On ne doit plus juger, dit-on, comme si les crimes et délits étaient des faits ; seul compte la subjectivité de l'accusé.

Si l'on n'avait pas voulu condamner le Dr Bonnemaison à quoi que ce soit (malgré la froideur de ses meurtres répétés), c'était parce qu'il avait affirmé à l'audience avoir agi « par compassion ». Les jurés de 2014 ont trouvé imparable cet argument.

En 2015, on a prononcé en faveur de Mme Cottrez (malgré ses mensonges pour excuser huit infanticides) un verdict qui la libèrera de prison dans un an, alors qu'elle-même, à la fin du procès, déclarait qu'elle se sentait « coupable » et qu'il n'y avait « que la prison » pour se faire « peut-être pardonner »... Les jurés - plus postmodernes qu'elle - l'ont presque acquittée.

C'est la fin du droit pénal, désormais remplacé par un climat psy. Et ce climat envahit tous les domaines de la vie sociale : l'ensemble des normes objectives disparaissent, remplacées par une anomie indexée sur les émotions.

Le cas de Mme Cottrez n'était peut-être pas (sans doute pas) justiciable de la cour d'assises, tant certains éléments du dossier plaident pour la maladie mentale. Alors il ne fallait pas la faire comparaître devant un jury ; sauf si l'on souhaitait aboutir à ce que ces jurés viennent d'accomplir en se prenant pour des psy : zapper le droit pénal et mettre en cause la notion même de crime. Faire dire par une cour d'assises que huit infanticides sont comme s'ils n'étaient pas*, c'est entrer dans la nuit.

Une nuit sans étoiles... Je vous recommande Le Monde daté d'aujourd'hui, pour la pleine page signée Ondine Debré et qui vise – à propos du procès Cottrez – à noyer toute réflexion pénale dans la psychologie des profondeurs.

Selon cet article :

- la figure de la « mère criminelle » se meut dans des « abîmes » liés à « la complexité totale de l'amour maternel et de la maternité » ;

- reconnaître cela est nécessaire au progrès sociétal (quitte à remplacer le droit par la psy) ; 

- ce qui s'oppose à cette reconnaissance, c'est que nous sommes victimes d'un « stéréotype » : le « mythe de la mère et de sa pureté » ;

- et d'où vient ce mythe ? L'article répond par la célèbre niaiserie de Françoise Dolto selon laquelle « entre la femme et notre société s'est glissée l'image de la Vierge Marie ». Comme si l'interdiction de «l'infanticide, de l'inceste et de la pédophilie » dans la plupart des sociétés humaines avait pour origine le culte marial ! Mais incriminer le christianisme est aujourd'hui un moyen très sûr...

- Conclusion (implicite)  de l'article : zappons les normes, puisqu'elles sont issues de la névrose chrétienne ; et vive l'a-société réclamée par les théoriciens du LGBTQ.

 

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* C'est le sens d'une condamnation deux fois inférieure à ce qu'avait demandé le parquet.

 

08:47 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : cottrez

Commentaires

D'ONDINE DEBRÉ

> Cher Monsieur,
Manifestement vous avez trouvé ma page trop longue, et avez du la lire en diagonale tant ce que vous en avez tiré est à côté de la plaque.
Je serais ravie d'en discuter bien sur,
Et du reste évidement,
A très bientôt j'espère,
OD


[ PP à OD
Chère Madame,
Je comprends que vous n'aimiez pas ma lecture (in extenso) ; mais nous sommes journalistes vous et moi, et la seule chose qui compte dans un article est l'effet produit sur le lecteur. Tout dépend du lecteur, me direz-vous.
A très bientôt. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Debré / | 03/07/2015

PAS ROND

> J'avoue que je serais bien embarrassée si je devais être juré aux assises dans un cas tel que celui-ci.
On est censé juger selon la loi, non ? Mais la loi ne tourne pas rond. Elle affiche qu'il est louable pour une femme ("magnifique conquête du féminisme") de tuer son tout-petit tant qu'il n'a pas atteint un certain stade de développement. Alors comment certaines femmes n'en viendraient pas à penser que supprimer l'une de ces petites vies n'est pas bien grave si on a dépassé le terme autorisé de quelques jours ou semaines (le planning familial encourage à transgresser les règles françaises en allant à l'étranger), et finalement de quelques mois.
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Écrit par : Bernadette / | 03/07/2015

VIE SOCIALE

> "Et ce climat envahit tous les domaines de la vie sociale : l'ensemble des normes objectives disparaissent, remplacées par une anomie indexée sur les émotions" : voilà une réflexion que nous devons être nombreux à nous faire. Cette anomie s'insinue en effet dans bien des domaines par une sorte de "chantage sentimental au fait accompli" : que l'on veuille bien songer entre autres (et dans des domaines fort divers) à la GPA (ne pas inscrire à l'état civil les enfants nés d'une GPA, ce ne serait pas gentil pour ces pauvres enfants, nous dira-t-on), ou à Uber Pop (interdire les activités de cette société, c'est céder à la violence des méchants et archaïques chauffeurs de taxi)...
Sans trop d'efforts, il doit être possible de trouver de nombreux autres exemples.
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Écrit par : sven laval / | 03/07/2015

ACCÈS

> pas d'accès à l'article cité, dans la version en ligne du "monde" ... on ne peut donc pas évaluer vos arguments par rapport à l'article et à la réponse de la journaliste. Ce journal a presque tout perdu de son intérêt de jadis, mais j'aurais souhaité comparer ce que dit la journaliste à ce que vous en dites, à titre de curiosité ...
Vos analyses me semblent plus pertinentes et étayées que celles de tous ces médias "aux ordres" de la "Matrice" libérale-libertaire que vous étrillez souvent à juste titre...
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Écrit par : laureline / | 03/07/2015

MATRIARCAT ?

> Ça rappelle l'article de Marguerite Duras exaltant l'infanticide supposé de Christine Villemin. Nous frôlons un matriarcat où la mère aurait droit de vie et de mort sur ses enfants. La différence avec l'antique patriarcat est que ce droit ne serait pas fondé sur une délégation de la justice divine mais sur la tyrannie de sentiments purement subjectifs et individualistes. C'est toute la philosophie du droit à l'avortement.
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Écrit par : Guadet / | 04/07/2015

PAS AVANT ?

> Comme Bernadette sans doute, je n'arrive pas à comprendre que l'on soit scandalisé par la suppression de bébés alors qu'elle est autorisée et même encouragée quand l'enfant est à peine plus jeune.
On nage en pleine schizophrénie. On est un bébé une fois né. On n'est pas un bébé avant ...
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Écrit par : Françoise / | 04/07/2015

@ Bernadette

> J'ai connu, il y a longtemps, un homme qui avait été juré d'assises, pour une affaire d'infanticide également: ce fut, comme vous le pressentez, une très lourde épreuve pour lui.
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Écrit par : Pierre Huet | 04/07/2015

> Tout-à-fait d'accord avec Bernadette (| 03/07/2015) sur l'aspect devenu aujourd'hui très relatif de l'élimination d'une vie : légale jusqu'à 84 jours de grossesse, l'IVG ne devient crime que le 85ème... mais, tant qu'à faire, pourquoi ne pas pousser ce délai jusqu'au 275ème jour ?
Les jurés sont censés juger selon la loi, bien sûr... mais on doit bien admettre que cette dernière est sujette à interprétation(s) ; d'où l'existence du jury et de sa faculté de délibérer ; sinon, la justice pourrait être rendue par un simple et unique Gendarme, assermenté et muni du Code pénal : "La loi dit ça, donc la punition c'est ça ! Fermer le ban !". On ferait alors de grandes économies, et on gagnerait un temps fou en procédures.
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Écrit par : Fondudaviation | 05/07/2015

LE MALAISE

> Sans vouloir ergoter sur ce verdict - qui me choque beaucoup moins au fond que l'acquittement de Bonnemaison - ni sur la teneur de l'article de Mme Debré (puisqu'il reste inaccessible), je ne peux que partager le malaise que vous décrivez.
Dans le roman d'Albert Camus, on condamne Meursault, moins pour avoir tué un homme, que pour avoir omis d'exprimer les codes émotionnels requis par la Société, et ce dans un contexte n'ayant strictement aucun rapport avec l'affaire.
Aujourd'hui, il n'est pas interdit de penser que Camus concluerait par un acquittement, pour peu que "l'Étranger" soit plutôt une Étrangère, et que l'Arabe de la plage soit remplacé par le bébé qu'elle aurait abandonné en plein soleil...
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Écrit par : Albert Christophe / | 06/07/2015

Bonjour,

> Je n'ai pas lu l'article que vous citez... Et ne me souviens plus dans quel contexte Dolto a pu parler de l'image de la Vierge Marie peut avoir modifié la vision de la femme...
Mais ce que je sais, c'est que Françoise Dolto a régulièrement vu sa parole décontextualisée pour justifier et rationnaliser des choses qu'elle n'aurait jamais cautionnées. C'était une psychanalyste d'enfants... Pas une éducatrice, une pédagogue ou une sociologue... Et pourtant on a fait des ravages en transposant dans le quotidien éducatif des enfants ce qu'elle faisait/disait en psychothérapie et qui n'avait de sens que dans ce contexte.
Françoise Dolto était, et on l'oublie souvent, une catholique pratiquante. Lorsqu'elle l'a annoncé après avoir pris sa retraite (en tant qu'analyste médiatisée elle ne pouvait le faire car cela aurait eu un impact sur le transfert de ses patients et pu nuire à sa pratique), elle a d'ailleurs été conspuée par ceux qui la veille la portaient au pinacle...
Car il faut bien le reconnaître l'athéisme est officiellement à la mode chez les psys et si un psy ose se dire croyant il se voit vite suspecté de n'avoir pas dépassé sa névrose... Alors que le besoin de certains psys de réduire Dieu à une illusion pourrait très bien être suspecté de découler d'un besoin névrotique toujours agissant et pas dépassé de tuer le père...
Cela étant dit... Lorsque Dolto pose que l'image de la Vierge Marie est venue affecter l'image de la femme, cela ne me semble pas si fou que cela. Notament à l'époque où elle l'a dit et où la révolution sexuelle des années 70 n'avait pas encore fait son "oeuvre".
Freud avait repéré que la femme était souvent aux yeux de la culture occidentale, abordée selon deux approches incompatibles l'une avec l'autre. La femme devait être ou mère... Ou maîtresse... Et en aucun cas les deux à la fois : comme la Vierge Marie qui fut mère sans avoir jamais été approchée par un homme (ni avant ni après) pour la foi catholique. D'ailleurs il n'est pas anodin qu'au pied de la croix, on retrouve Marie la Mère Pure... et Marie Madeleine, désignée dans la tradition comme la pècheresse (semble-t-il pas forcément à raison d'un point de vue historique ou dans une lecture stricte des écritures, rien ne prouvant que la Pècheresse repentie des écritures eût été Marie de Magdala). Les deux figures majeures de l'Evangile, ont été retenues dans la traditions comme les figures de la Mère (éternellement pure) OU de la pécheresse (repentie). Deux figures bien éloignées l'une de l'autres. Et la femme respectable des années 60 qui se réalisait comme ménagère aurait été très malvenue de revendiquer l'orgasme à moins de passer pour une traînée! La place de la femme dans notre société des années 2000 n'est plus la même et l'idée que la mère puisse aussi être la maîtresse du père de ses enfants (voire d'un autre homme depuis Gleeden et consorts!) n'a plus rien de choquant.
Cette figure clivée de la femme mère ou putain (et jamais l'une et l'autre à la fois) attribuée à l'inconscient occidental antérieur aux années 70 a pu en effet contribuer à évacuer des conscience qu'une mère pouvait ne pas être nécessairement bonne ou aimante à l'égard des enfants qui lui sont donnés. Et la violence de l'infanticide perpétré par la mère tient certes au fait que l'enfant soit sans défense... Mais que ce meurtre soit commis par celle qui avait devoir de protéger l'enfant... Tout comme l'inceste nous est plus odieux que le viol, parce qu'il est commis par celui qui a un devoir de protection.
Bref... Ce n'est pas tant la phrase de Dolto qui est choquante dans l'affaire. C'est l'usage qui en serait fait pour contribuer à édulcorer voire à banaliser l'horreur de l'acte commis en mettant en avant la souffrance de la mère infanticide au premier plan, bien loin devant la mort de l'enfant sans défense.
Ne faut-il pas voir là un signe de ces temps où la culture de mort avance? Le dernier billet de Koz toujours sur la revente des organes d'enfants avortés par le planning familial américain "en toute légalité", donne à réfléchir sur là où nous en sommes aujourd'hui quant au fait que l'enfant qu'on avorte est considéré ne pas exister en tant qu'humain parce qu'il n'est pas né. Ne peut-on pas en arriver alors à banaliser l'infanticide du nouveau né... Après tout... Ces enfants ne sont-ils pas morts avant d'avoir aspiré leur première bouffée d'air, encore attachés au placenta? Où est la limite maintenant entre ce qui est un enfant considéré comme une personne et un enfant considéré comme un simple amas d'organe qu'on peut revendre en pièces détachées ou entier dans le cadre d'une GPA?
Au fait... Pour Dolto l'enfant était pour elle une personne avant même sa conception. En séance elle pouvait parler de l'enfant à naître comme étant déjà une personne qui avait choisi (ou pas) de s'incarner (elle ne pouvait pas parler de Dieu à ses patients en séance!) dans tel ou tel ventre. Elle voulait poser que nos enfants ne nous appartiennent pas comme des choses ou des prolongements organiques de nous mêmes, mais qu'ils étaient des personnes dès leur conception.
Elle n'aurait alors certainement pas banalisé l'infanticide comme on tente de le faire en utilisant certains de ses propos de façon détournée.
Tout le problème de notre système judiciaire est qu'il doit condamner UN ACTE et non une personne... Et qu'aujourd'hui la perception qu'on a de l'auteur du crime influe de plus en plus sur la façon dont on va juger l'acte... Et à plus forte raison s'il n'y a pas de parties civiles pour, défendre la victime et en l'occurence ici, la mémoire des enfants morts que la justice ne veille plus à faire exister elle même dans un monde ou la vie d'un enfant pas encore né ou à peine né, n'a plus qu'une valeur financière.
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Écrit par : Psychtus / | 23/07/2015

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